Magmatisme et Tectonique des plaques

 

Depuis quelques dizaines d'années, la géologie a subi une véritable révolution avec l'avènement de la tectonique des plaques. L'évolution des systèmes géologiques en général et magmatiques en particulier peut en effet se comprendre comme une conséquence des mouvements lithosphériques; c'est donc aux limites de plaques, mais également aux limites des enveloppes terrestres, que vont se produire les phénomènes magmatiques (et métamorphiques). On distinguera donc 3 grandes parties : les limites convergentes, les limites divergentes et les domaines intraplaques (océanique ou continental).

Les différentes plaques du globe terrestre.

 

1- Les limites de divergence de plaques

Elles correspondent à la montée diapirique de l'asthénosphère  lors de la distension océanique. Les processus magmatiques sont alors importants puisqu'ils participent à l'expansion océanique. On observe, à l'interface eau-croûte océanique, des basaltes, puis plus en profondeur, à la faveur de grandes failles décrochantes, des gabbros et des péridotites. C'est donc au niveau de ces dorsales océaniques que se forme la croûte océanique, et qu'il existe un magmatisme tholéiitique très particulier qui fera l'objet d'une autre partie.

 

2- Les limites de convergence de plaques

Dans ce cas, les processus sont complexes et nombreux. Les situations de convergences peuvent présenter les types suivants:

    - Convergence croûte océanique - croûte océanique. Cette convergence est à l'origine d'un magmatisme essentiellement explosif (magmatisme calco-alcalin), parfois effusif (magmatisme tholéiitique), générateur d'andésites et de basaltes qui apparaissent en surface et forment des chapelets d'îles, chapelets qui sont le plus souvent arqués; ont leur donne le nom de guirlandes insulaires ou d'arcs insulaires.

    - Convergence croûte océanique - croûte continentale. Dans ce cas, le magmatisme est plus complexe et il est essentiellement générateur d'andésites et de rhyolites. Il se développe sur une marge active et concourt à la formation d'une cordillère montagneuse. Le cas le plus typique est celui de la cordillère des Andes. On parle de zone de subduction.

    - Convergence croûte continentale - croûte continentale. Dans ce cas, le volcanisme est pratiquement absent; en revanche le plutonisme (magmas qui cristallisent en profondeur, et dont les produits s'observent après érosion) est particulièrement important et générateur de granites, donc de croûte continentale.

    - Croûte océanique sur croûte continentale. On parle dans ce cas d'obduction. Ce phénomène est assez rares puisque la densité de la croûte océanique (3,3) est très supérieurs à celle de la croûte continentale (2,7) et donc normalement impossible. On peut l'observer dans les Alpes au Chenaillet (2700 m).

 

3- Les sites intraplaques

Nous pouvons observer en plein océan, comme sur les continents, de nombreux volcans, en activité permanente, et apparemment sans aucun lien avec une limite de plaques. Il s'agit là aussi d'un magmatisme particulier qui s'exprime de 2 façons.

    - Dans les océans, il existe un magmatisme basaltique, d'origine profonde (théorie des "points chauds"), en relation avec les mouvements des enveloppes ( la limite manteau inférieur - manteau supérieur, située vers 700 km, et, probablement, la limite noyau - manteau inférieur située à 2900 km). Il est à l'origine d'îles océaniques dont certaines sont très importantes : l'édifice volcanique d'Hawaï mesure 400 km de diamètre au fond du pacifique, et près de 10 km de haut (6 km environ sont immergés, et 4 km sont émergés et constituent l'île proprement dite).

    - Sur les continents, il existe un magmatisme plus complexe, du fait de l'importante croûte granitique (35 km). Font partie de ce magmatisme : le volcanisme de rift (rift du lac Baïkal, rift rhénan, ...) et les trapps, immenses surfaces (plusieurs centaines de milliers de km²) couvertes de plusieurs milliers de mètres d'épaisseur de basalte.

 

Tous ces processus sont complexes, car la fusion, génératrice de magmas, peut affecter : la croûte océanique subductée, l'asthénosphère chevauchante, le manteau lithosphérique chevauchant et la croûte océanique ou continentale, chevauchante également. On comprend, intuitivement, qu'entre tous ces magmas les possibilités de mélange et/ou de contamination soient grandes.

 

Les grands sites magmatiques

Un magma est un mélange de silicate fondu et de gaz dont le refroidissement plus ou moins rapide constitue des roches magmatiques. Les roches volcaniques sont directement observables (magma basaltique : 1030 °C). Les roches plutoniques se forment en profondeur. Seul l'érosion nous permettra de les observer. Au delà de 2,5 milliards d'années (coupure de l'Archéen), les gradients géothermiques étaient plus élevés (plus de chaleur). Il y avait une activité de microplaques très actives : les laves et les volcans étaient très différents. On appelle ces laves des komatiites (température de mise en place vers 1600 °C, MgO > 18 %, olivines donnent des textures spinifex). Alors que le basalte : 1030 °C, MgO = 7 à 9 %.

Pour obtenir un magma, il faut faire fondre une roche. Dans quelles conditions cela est-il possible ? La température augmentant en profondeur, on peut s'attendre à ce que le manteau fonde, mais il faut tenir compte de la pression qui s'oppose à l'agitation atomique, et qui constitue un facteur prépondérant dans la fusion des roches. Il est donc nécessaire de connaître l'évolution de la température en fonction de la profondeur, autrement dit de connaître le géotherme. La terre possède en effet une chaleur interne dont l'origine est variée : chaleur de désintégration radioactive, chaleur d'accrétion, chaleur de cristallisation du noyau interne, chaleur due aux frottements des différentes enveloppes terrestres entre elles, chaleur due aux séismes ... Cette chaleur se dissipe à la surface de la terre, et cette dissipation s'exprime par un flux géothermique. Mais il est plus aisé de définir en premier lieu le gradient géothermique : il correspond à l'augmentation de la température en fonction de la profondeur. Pour la partie superficielle du globe cette augmentation est de 3° pour 100 m. Mais elle peut varier notablement selon les régions : dans les boucliers anciens, le gradient géothermique ne dépasse pas 1°/100 m, alors que dans les zones volcaniques et dans les zones orogéniques dans une moindre mesure, il peut dépasser 10°/100 m. La chaleur peut se transmettre par conduction (transmission lente qui ne se produit que dans les zones stables, mouvements de matière faibles ou nuls) ou par convection (déplacement de matière qui transporte sa chaleur).

Placés dans des conditions de températures et de pressions variables, les matériaux de l'écorce terrestre peuvent se présenter sous 3 états différents : solide, partiellement fondu ou totalement liquide. Les courbes qui séparent ces 3 domaines sont respectivement appelés :

    - La courbe du liquidus : elle sépare le domaine purement liquide du domaine partiellement fondu, c'est à dire liquide + cristaux.

    - La courbe du solidus : elle sépare le domaine partiellement fondu du domaine solide.

On obtient le graphique ci-dessous:

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avec un tel graphique, il serait impossible d'avoir une fusion partielle du manteau. Pour que le géotherme croise le solidus, il faut des conditions particulières. La fusion des roches nécessite un écart par rapport aux conditions existant normalement dans les zones internes du globe. Cet écart peut être obtenu de 3 façons différentes :

    - Une décompression adiabatique (1) c'est à dire une remonté de matériel sans perte de chaleur (au niveau des dorsales). Une chute de pression peut engendrer la formation de magmas à condition que la température reste constante. En effet, la pression s'oppose aux mouvements atomiques, mouvements qui sont la règle dans un liquide. Ainsi, dans la majorité des cas, la température du matériel rocheux est supérieur à son point de fusion ; mais la pression restant forte, le point de fusion s'élève et le matériel rocheux ne fond pas. A l'aplomb d'une dorsale, la pression chute brusquement, ce qui provoque une baisse du point de fusion et le matériau fond. Le magma, chaud et léger, remonte alors rapidement vers la surface, sans perdre de chaleur, puis il cristallise lorsqu'il se trouve en contact avec l'eau. Les roches qui cristallisent font partie d'une série dite série tholéiitique.

    - Augmentation de la température (2) (point chaud). Dans ce cas, il faut apporter de l'énergie pour que, toutes pressions égales, le matériau puisse fondre. Cet apport d'énergie peut se réaliser de plusieurs façons : désintégration atomique, courants de convection. La première possibilité est liée à la présence d'éléments radioactifs ; or c'est la croûte continentale qui, proportionnellement à son épaisseur, en contient le plus ; c'est donc un mécanisme possible pour l'obtention de magmas granitiques. Mais dans le manteau, les pourcentages d'éléments radioactifs sont beaucoup plus faibles et ils ne peuvent à eux seuls faire fondre le matériel mantellique. Ce sont les courants de convection qui favorisent alors la fusion, car ils permettent à la chaleur terrestre originelle de remonter efficacement vers la surface. Cette chaleur est particulièrement abondante à la limite manteau-noyau (discontinuité de Gutenberg, couche D''); elle est donc sans aucun doute transportée par l'intermédiaire des courants de convection mantelliques dont on ne sait, à l'heure actuelle, s'il y en a deux ou une seule couche.Les roches qui cristallisent font partie d'une série dite série alcaline.

    - Apport d'eau (3) au niveau des zones de subduction. Jusqu'à maintenant, nous avions agi sur le géotherme, mais nous n'avions jamais parlé d'un déplacement du solidus. Ce mouvement est possible grâce à l'adjonction d'eau. Dans les zones de subduction, la croûte océanique s'enfonce tout en étant fortement hydratée. L'enfoncement étant rapide, le pression augmente très vite, alors que l'augmentation de température présente un certain retard, puisque la chaleur se transmet par conduction. Les minéraux hydratés de la croûte océanique (amphiboles, micas) deviennent instables et se transforment en minéraux anhydres. L'eau est alors expulsée, et provoque une baisse du solidus. Les roches qui cristallisent font partie d'une série dite série calco-alcaline.

Les séries magmatiques sont caractéristiques des sites géotectoniques. On peut définir ces séries magmatiques comme des ensembles de roches magmatiques qui vont constituer sur le terrain des associations spatiales et temporelles. 3 grands critères sont définissables :

    - Critère spatial : les roches d'une même série apparaissent toutes dans un espace géographique limité.

    - Critère temporel : la distribution des roches se fait dans un temps relativement court (quelques millions d'années).

    - Critère géologique : il existe entre les diverses roches d'une même série une communauté de caractères minéralogiques et surtout chimiques qui reflètent une évolution régulière.

 

On peut ainsi mettre en évidence 5 grandes séries de roches magmatiques, chacune caractéristiques d'un environnement tectonique particulier :

    - La série tholéiitique : typique des zones de divergence (dorsales), mais on la rencontre également dans les zones intraplaques océaniques (points chauds) ou continentales (trapps), dans les zones de subduction (coté fosse), et dans les bassins arrière-arc (zone de subduction, coté externe).

    - La série calco-alcaline : caractéristique des zones de subduction. On peut ajouter qu'elle constitue un excellent marqueur des zones de subduction anciennes (île de Groix par exemple).

    - La série transitionnelle : se rencontre dans les zones intraplaques continentales et dans les cordillères des marges actives.

    - La série alcaline : typique des zones intraplaques continentales, mais on la rencontre également dans les océans (certains points chauds : Açores...) et dans les cordillères des marges actives (Indes).

    - La série shoshonitique : se rencontre dans les cordillères des marges actives, parfois dans les arcs insulaires.

 

Les grandes séries volcaniques et leur position sur un diagramme alcalins-silice (diagramme de Harker).

 

Il existe de nombreuses façons de mettre en évidence les relations génétiques qui existent entre les roches d'une même série. Les diagrammes les plus utilisés sont les diagrammes de Harker et en particulier le diagramme alcalins en fonction de SiO2 (diagramme ci-dessus), c'est à dire de Na et K en fonction de la saturation en silice (ou acidité) de la roche:

    - Les roches acides : SiO2 > 65 % (cas des granites).

    - Les roches intermédiaires : 52 % < SiO2 < 65 % (cas des andésites).

    - Les roches basiques : 45 % < SiO2 < 52 % (cas des basaltes).

    - Les roches ultrabasiques : SiO2 < 45 % (cas des péridotites).

La roche est sursaturée en silice si elle en possède plus de 65 %, elle est saturée si son pourcentage est compris entre 45 % et 65 %, et sous-saturée si elle possède moins de 45 % de silice.

Le diagramme ci-dessous, recommandé par les instances internationales, a l'avantage de visualiser directement la suite des roches obtenues dans les 2 grands domaines : le domaine sub-alcalin qui comprend la série tholéiitique, la série calco-alcaline et la série transitionnelle; et le domaine alcalin qui comprend la série alcaline et la série shoshonitique.

 

Classification de Cox et al., positionnée sur un diagramme de Harker alcalins-silice,

permettant de visualiser les grands domaines magmatiques.

Nous pouvons aussi utiliser le diagramme AFM pour mettre en évidence ces séries magmatiques. A = Na2O + K2O, F = FeO + Fe2O3 et M = MgO. La série tholéiitique marque un enrichissement en Fer. Dans les séries calco-alcalines, les minéraux opaques fractionnent très tôt (cristallisent et sont hôtés de la série), donc pas d'enrichissement en Fer.

Diagramme AFM mettant en évidence 2 séries magmatiques : la série tholéiitique et calco-alcaline.

 

Mode de construction d'un diagramme triangulaire dans le cas d'un diagramme AFM.

 

On constate donc qu'il existe une relation entre la série magmatique et les caractéristiques des sites géotectoniques. Ceci est très visible sur un diagramme établi à partir des éléments traces compatibles ou incompatibles. Les éléments compatibles sont des éléments dont le coefficient de partage K.D est > à 1 et qui ont donc tendance à se concentrer dans les solides, par exemple dans les minéraux précoces d'une roche ignée; c'est le cas de Ni, Co, Cr, V, Sc ... Ainsi le Ni et le Co se concentrent dans l'olivine, tandis que le Cr se concentre dans les clinopyroxènes. Les liquides résiduels de type granitique seront alors riches en éléments incompatibles tandis que les basaltes des dorsales seront riches en éléments compatibles et pauvres en éléments incompatibles.

 

K.D = Concentration de l'élément considéré dans le minéral considéré M / Concentration de ce même élément dans le magma en équilibre avec M